Communiqué de l’association Non à la montagne-pellets. 21 décembre 2017. Face à un projet industriel qui divise sur notre territoire les professionnels et les propriétaires forestiers, les naturalistes et les techniciens, les habitants et les élus de toutes sensibilités, nous pouvions nous attendre, lors de cette enquête publique, à des oppositions raisonnées, à la mise en débat de la façon dont chacun perçoit le territoire que nous partageons, nous pouvions nous attendre à des disputes… mais nous ne nous attendions pas à ce que nos institutions soient détournées par certain de leurs représentants pour défendre, sur la base d’aucun argument sérieux, des intérêts privés aussi contestables que ceux de Carbon Ingen’R et Lyaudet Ingen’R filiales de Somival appartenant toutes deux à un actionnaire unique, Pierre-Henri Gaudriot. L’enquête publique autour du projet d’usine Carbon Ingen’R se termine à peine et nous assistons en moins d’une semaine à des opérations douteuses qui mettent à mal le processus démocratique en cours. Le bon sens, de la part de nos élus, dans la situation présente, aurait été de laisser se dérouler le travail de l’enquêteur avec la patience et la distance adéquate compte tenu de la gravité des enjeux sociaux et environnementaux et de la très grande mobilisation citoyenne pour cette enquête. Malheureusement nous constatons que l’esprit du débat démocratique est mal traité et que l’effort de transparence et de sincérité défendu par notre association dans le cadre de ce type de procédure s’arrête à la porte de nos institutions, ces faits nous poussent aujourd’hui à réagir : Nous apprenons qu'une réunion s’est tenue lundi 18 décembre à la mairie de Bugeat à destination des élus du territoire ayant pour objet principal, direct ou indirect, le soutien au projet Carbon Ingen’R. Étaient présents notamment : Nelly SIMANDOUX, Christophe PETIT, Daniel CHASSEING, Sénateur, Hélène ROME, Vice Présidente du Conseil Départemental, Philippe CONNAN, Président du Parc Naturel Régional de Millevaches, Philippe JENTY, Président de la Communauté de Communes Vezere Monédières Mille sources, Alain FONFREDE, Vice Président de la Communauté de Communes Haute Corrèze Communauté, Michelle GUILLOU, Maire de Viam, Pierre FOURNET, Maire de Bugeat, et de nombreux Maires et Conseillers Municipaux. Nous constatons que cette réunion de soutien s’est tenue à l’insu des habitants, et que celle-ci ne fait que renforcer nos très nombreux doutes concernant les intérêts réels qui entourent le projet Carbon Ingen’R. La défense de l’intérêt général requière une très grande prudence et en l’état du projet CIBV nous pouvons affirmer qu’aucune des personnes présentes lors de cette réunion n’est en mesure de défendre légitiment ce projet en fondant ses arguments sur le dossier ICPE et l’étude d’impact déposés par Somival. Tout simplement parce que ce dossier comporte de très nombreuses incohérences et un très grand déficit d’information. Ainsi, soit les élus présents lors de cette réunion défendant ce projet se comportent en lobbyistes, soit ils ont accès à des informations qui ne sont pas rendues publiques. Dans les deux cas cela pose de graves problèmes. La présence de Philippe Connan Président du Parc Naturel Régional de Millevaches à cette réunion abonde d’ailleurs dans ce sens. Nous avons été extrêmement surpris en découvrant la contribution du bureau du PNR à l’enquête publique. Non seulement celle-ci nous semble d’une pauvreté indigne d’une telle institution dont l’objet est de défendre les principes d’un « territoire ayant choisi volontairement un mode de développement basé sur la mise en valeur et la protection de patrimoines naturels et culturels considérés comme riches et fragiles », mais elle nous semble également entrer en grande contradiction avec le rapport critique au sujet du projet CIBV effectué par son propre conseil scientifique. En plus de ces contradictions internes nous découvrons dans cette contribution une chose bien incongrue, en effet que veut dire monsieur Connan par la formule : « à ce jour le plan d’approvisionnement prévisionnel est en cours de finalisation avec l’industriel » ? Que le PNR se prononce au sujet d’un projet d’exploitation de la ressource forestière située au milieu de son territoire alors que le plan d’approvisionnement de cette société demeure totalement inconsistant ? Et ce sans même dénoncer la gravité de cette absence d’information pendant le déroulement de l’enquête publique ? Par ailleurs, le bureau PNR sous-entend-il qu’il contribue à ce plan d’approvisionnement, et qu’il serait dans ce cas en possession d’informations qui n’aurait pas été rendues publiques pendant la période de l’enquête ? Voilà qui nous semble extrêmement curieux et nous interroge concernant les fins exactes du PNR Millevaches dans cette affaire quand nous savons que celui-ci n’a pas souhaité officiellement assister aux deux réunions publiques organisées autour de ce projet. Nous constatons également que cette réunion du 18 décembre intervient quelques jours après les propos mensongers du président du conseil départemental de Corrèze Pascal Coste diffusés sur France Bleu Limousin le 14 décembre. Celui-ci y annonçait la création de 40 emplois par CIBV, un chiffre inventé de toutes pièces (à ce jour Somival évoque la création d’un peu plus de 19 équivalent temps plein sans préciser la nature des contrats en question) et déformait lamentablement les positions des opposants à ce projet. Mais plus grave, dans ce passage radio M. Coste mentionne une délibération qui aurait été votée par le conseil départemental en faveur de CIBV, cherchant ainsi à donner un poids institutionnel en faveur de ce projet. Mais nous ignorons tout au sujet des bases de discussion qui ont permis à cette délibération d’être votée. Aucun opposant n’a été consulté préalablement par le département, il n’existe aucun rapport qui aurait été commandé par le conseil… Dans ces conditions sur quels arguments de fond ont pu se positionner les élus pour voter cette délibération ? Nous dénonçons la supercherie de cette délibération votée avec empressement quelques jours avant la fin de l’enquête publique afin de jouer sur l’opinion. Nous déplorons que nos institutions soient ainsi mises à mal par des arrangements politiques à des fins d’intérêts particuliers. Si ces élus ne souhaitent pas que leur probité soit mise en doute, ils doivent se comporter de telle manière que nous ne pourrons pas la mettre en doute. Malheureusement à ce jour tout laisse à penser que le très grand manque de transparence autour du projet de Somival cache beaucoup de choses. Pour paraphraser la formule caricaturale de Monsieur Coste, non en effet « nous ne pouvons plus rien faire dans ce pays » avec ce genre de projets industriels aventureux sans un véritable travail de concertation préalable, sans l’élaboration d’un processus démocratique réel, sans la mobilisation d’une pensée collective, sans le temps nécessaire pour en comprendre les enjeux. La destruction de notre habitat par la répétition de mauvaises pratiques pendant des décennies a conduit à cette prudence élémentaire et nécessaire. Alors non, nous ne pouvons plus rien faire dans ce pays en réglant les affaires à l’insu des populations, en cherchant à dissimuler les intérêts particuliers, en manipulant confortablement les opinions… et c’est une bonne chose. Notre association ne peut qu’encourager toutes et tous à s’informer et à questionner le sens de ce projet à partir de ces connaissances acquises. Nous poursuivrons notre travail dans ce sens en organisant une réunion publique prochainement autour des questions forestières à Bugeat et nous appelons tous les élus qui souhaiteraient contribuer à l’élaboration de ce programme, en particulier ceux de Bugeat et de Viam, à nous rejoindre. Nous souhaitons qu’un véritable débat public puisse avoir lieu autour de ces questions, sans quoi il nous sera impossible de saisir collectivement les enjeux réels qui se dessinent autour de la forêt sur notre territoire pour les décennies à venir et nous risquons, de ce fait, de reproduire indéfiniment les erreurs du passé qui cette fois pourraient nous être fatales.